Ceci est une histoire de tentacules enfouies dans la vase de la mare aux lotus.

Dans la tradition bouddhiste, l’esprit est comparé à une mare avec de la vase. La vase est faite de nos inquiétudes, de notre colère, de nos angoisses, de nos préjugés, de nos perceptions erronées, tout ce qui met des cases dans nos têtes et qui nous empêche de voir clairement. Lorsque les particules de vase sont en suspension dans notre tête, notre vue est brouillée et nous devenons très fort pour nous faire mal tout seul et faire du mal aux autres.
Quand l’agitation se calme, la vase se stabilise au fond de la mare, des nénuphars et des lotus peuvent s’y enraciner et fleurir à la surface. Ces fleurs peuvent être la joie, la compassion, l’amour, la sérénité. Si ces belles fleurs peuvent fleurir et s’épanouir, c’est que la vase est au fond, bien tassée. Notre colère et nos angoisses sont toujours au fond de nous, reste à les tasser et a prendre soin des graines positives pour les faire fleurir…
Voilà donc l’état d’esprit où je me trouve, je me nourri d’amour et de beauté, j’arrose mes graines de compassion et de tolérance. Mais ces derniers jours, la vase au fond de moi a été remuée : comme des tentacules perfides et oubliées sont remontées à la surface, me laissant tremblante, fragile, au bord du gouffre. Sans que je puisse les nommer, elles ont pris possession de mon corps, le faisant danser comme Saint Guy, lui arrachant des douleurs torturantes. Je n’arrive pas a calmer ce flot en moi, ma respiration ne me mène plus qu’a ma panique grandissante. Les anxiolytiques avec lesquels ma psy voudrait bien m’abrutir mais que je snobe en temps normal, me tendent les bras. Ils semblent être non pas la solution, mais au moins une bouée de sauvetage qui me permet de respirer sans me noyer. Mais je continue de trembler.
Alors parfois (et même souvent) il est bon d’avoir une maman pour vous prendre par la main et m’emmener voir la fée qui habite au dessus. Nous sommes dimanche des la fée est en pyjamas et a l’air fatiguée, mais elle m’invite dans sa cuisine, prépare du thé et sort des macarons. Nous nous attablons, la magie peut commencer. Je lui parle des tentacules qui viennent du plus profond de moi, de ce que j’ai identifié de ma peur : celle des conditions de vie désastreuses pendant deux mois, celle de ne pas être à la hauteur scientifiquement et d’en être jugée par mes pairs et enfin la peur de l’épuisement et de la maladie. Voilà ce qui paralyse mon corps et qui l’épuise sans même passer par le décryptage de la pensée. Le manque de confiance en moi est revenu, vieille connaissance, vieux comparse plus ou moins oublié ces dernières années (sans compter les tremblement de terre régulier du bouclage de mon mémoire de master et les remises en question occasionnelles). Le reconnaître t le saluer. Salut vieille branche, ca faisait longtemps, tu es toujours là, tapi au fond de moi n’est-ce-pas ? À partir du moment où je retrouve les mots et qu’ils passent le seuil de ma conscience et de ma bouche, mon corps se calme et s’apaise. Je me redresse et me détends, mon visage se recolore, mes sourires ne sont plus emplis des larmes qui ne veulent pas couler.
Je peux enfin parler et assumer ma fébrilité, je peux dire que les tentacules d’un vieux démon m’a saisi à la gorge et que je me débats pour aller mieux. Je veux aller mieux. Je ne veux pas partir au Burkina comme un veau que l’on traîne à l’abattoir. Je sais pertinemment que je vais m’adapter, que ma recherche sera ardue et fructueuse et que je ne m’épuiserais que si j’en suis convaincue. Reste à continuer de prendre soin de mes graines d’optimisme et de confiance avant et pendant mon séjour. C’est en regardant et en reconnaissant ces tentacules et en l’assumant que je peux m’en libérer. Cela n’enlève rien à la fébrilité et à l’excitation du départ, sans que je puisse visualiser, je suis déjà à moitié projetée. À moins de me captiver, vous aurez du mal à capturer mon attention sur des sujets pointus ou trop théoriques. Il n’y a que les BD, le yoga et la méditation, et la bonne bouffe qui parviennent à m’ancrer ces jours-ci !

Voila d’où la métaphore des tentacules m’est venue: De Profundis de Chanouga


Laisser un commentaire